Et des députés LREM se ridiculisèrent dans une tribune pro-PMA

LE RIDICULE NE TUE PAS – Des députés de la majorité La République En Marche ont fait paraitre une tribune hier dans Libération. Ils y rappellent leur « attachement à l’extension de la procréation médicale assistée à toutes les femmes, célibataires, en couple hétérosexuel ou en couple lesbien ». Et pourtant, cette tribune contient un nombre très conséquent d’éléments complètement inexacts ou erronés.


Il y a de quoi en écrire un article, voir même deux ou trois, tant le nombre d’affirmations erronées est grand dans cette tribune su la PMA rédigée par des députés La République en Marche. Ces 49 députés – sur 309 du groupe majoritaire, rappelons-le – ne sont visiblement pas experts de ces sujets… loin s’en faut. Revenons sur cette tribune, pas à pas, phrase par phrase.

« Lors de ces débats sur nos territoires [dans le cadre des Etats Généraux de la Bioéthique, ndlr], nos concitoyennes et nos concitoyens ont pu s’exprimer et ainsi être entendus, permettant au CCNE d’avoir une pleine et entière appréhension et compréhension des attentes des Françaises et des Français sur un sujet qui relève de l’intimité de chacune et chacun. »
Nous sommes, sur cette première phrase, tout à fait d’accord : les Etats Généraux de la Bioéthique ont permis à beaucoup de citoyens de prendre la parole, en région lors des débats publics ou en ligne sur le site dédié. Et, le saviez-vous ? L’immense majorité des prises de paroles apportait des arguments – tous plus divers les uns que les autres – contre l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

 

« Il s’agit d’un engagement de campagne du président de la République et nous avons été élus pour faire en sorte qu’il soit tenu. »
Les partisans de la PMA n’en démordront donc jamais… mais nous l’avons déjà expliqué dans cet article. Alors nous allons le redire, encore et encore :

  • Oui, Emmanuel Macron a dit : « Le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable », dans ce tweet, le 16 février 2017. Mais il n’a pas pour autant qu’il ouvrirait la PMA aux les couples de femmes et aux femmes seules durant son mandat.
  • Oui, il est écrit sur son site de campagne : « Nous sommes favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes. »
  • Mais non, l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules n’est pas dans son programme de campagne (et n’est donc pas un de ses engagements), qui est toujours disponible ici et ici. Cherchez, vous ne trouverez absolument rien dans ce document, sobrement et clairement intitulé « PROGRAMME ».
  • Et non encore, l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules n’était pas dans la profession de foi du candidat Macron, profession de foi que tous les français ont reçue par la poste avant les deux tours des élections : ni dans la profession de foi du premier tour (ou ici), ni dans la profession de foi du second tour (ou ici). A l’inverse, François Hollande, en 2012, avait clairement écrit dans son programme et sa profession qu’il ouvrirait le mariage aux couples de même sexe.

 

« Près de six Français sur dix se déclarent favorables à l’extension de la PMA aux couples de femmes hétérosexuels ou lesbiens ainsi qu’aux femmes seules. »
Sans doute les députés parlent-ils du sondage IFOP pour La Croix du 3 janvier 2018.
Passons sur l’expression « couples de femmes hétérosexuels »… et attardons-nous sur les deux questions posées par La Croix sur le sujet (tout est là pour les plus curieux, pages 9 et 11) :

  • « Personnellement, seriez-vous favorable ou défavorable à ce que les couples de femmes homosexuelles désirant un enfant puissent avoir recours à l’insémination artificielle (ce qu’on appelle aussi la PMA) pour avoir un enfant ? »
  • « Personnellement, seriez-vous favorable ou défavorable à ce que les femmes célibataires désirant un enfant puissent avoir recours à l’insémination artificielle (ce qu’on appelle aussi la PMA) pour avoir un enfant ? »

Il n’a donc jamais été question de PMA pour les couples hétérosexuels qui n’avaient pas de pathologie de la fertilité. On voit pourtant cet élément pointer le bout de son nez à plusieurs reprises dans la tribune.

Allez, lisons un autre sondage, réalisé par Opinion Way pour La Manif Pour Tous en septembre 2017. La question est simple : « Selon vous, l’Etat doit-il garantir aux enfants conçus grâce à l’assistance médicale à la procréation (AMP) le droit d’avoir un père et une mère ? », et les français répondent « Oui » à 72%… avec 77% de « Oui » chez les personnes ayant votées Emmanuel Macron au premier tour des élections présidentielles (et, encore une fois, tout est là).

 

« L’extension à toutes de la PMA n’enlèvera aucun droit à personne. »
En effet, « l’extension à toutes » n’enlèvera finalement qu’un père à un enfant. Mais ce ne sera pas suite à un aléa de la vie. « L’extension à toutes » privera délibérément, et de manière organisée par l’Etat, un enfant de son père, de l’accès à ses origines, à sa généalogie, à sa filiation.

Par ailleurs, le nombre de donneurs de sperme étant très faible, la France connaît d’ores et déjà une pénurie de sperme. « L’extension de la PMA à toutes » privera donc des couples hétérosexuels de gamètes masculines, et leur enlèvera donc le droit d’avoir recours à une PMA qui leur était jusqu’alors réservée car ils souffraient d’un pathologie de la fertilité.

 

« Il faut sortir (…) de l’égoïsme de celles et ceux qui s’opposent à l’extension de la PMA »
Quand on lit cete tribune, à vrai dire, on se demande qui est égoïste : ceux qui défendent l’enfant, et qui refusent que l’enfant soit privé de père… ou ceux qui décident délibérément de priver un enfant d’un père et de ses origines uniquement car ils veulent un enfant ?

 

« En niant la frustration, la souffrance, la colère, l’injustice qu’une femme peut ressentir lorsque son corps ne l’autorise pas à devenir mère. »
Argument coup de massue. Le genre d’argument qui vous décrédibilise toute une tribune.

En effet, les femmes qui vivent une souffrance car — reprenons leurs propos – « leur corps ne les autorise pas à devenir mère », elles, ont déjà le droit d’avoir recours à la procréation médicalement assistée, puisque cette technique est autorisée pour les couples hétérosexuels souffrant d’une pathologie de la fertilité. Et ne l’est justement que pour eux.

Par ailleurs, cette phrase sous-entend qu’une femme seule ou une femme en couple avec une autre femme ne peut pas devenir mère car son corps ne l’y autorise pas. Vraiment ? Ces députés croient-ils vraiment que le corps d’un femme lui interdira de devenir mère – si elle a recours à une insémination artificielle à l’étranger, par exemple – sous prétexte qu’elle est seule ou en couple avec une autre femme ? Il est encore temps pour ces députés de revoir leurs cours de biologie, mais il va falloir faire vite !

 

« Aujourd’hui, l’accès à la parentalité n’est pas possible pour toutes et injuste, notamment lorsque la PMA fait ressortir des inégalités socio-économiques en permettant à certaines femmes d’y avoir recours à l’étranger pour 30 000 euros environ hors frais médicaux préalables aux injections et suivi postnatal. »
Soyons tout d’abord très clair : ce n’est pas parce qu’une pratique est légale ailleurs qu’il faut la légaliser en France. Et si ces députés pensez que  » oui, justement, il le faut », alors il est temps de nous inquiéter pour la France, car de nombreuses pratiques sont illégales en France, et heureusement ! Comment des députés peuvent-ils soutenir ce genre d’argument ?

Par ailleurs, et comme expliqué plus haut, la France connaît déjà une grande pénurie de donneurs de sperme. L’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes ne changera donc rien au fait que des personnes vont à l’étranger : les plus riches iront toujours à l’étranger, non seulement pour avoir accès à du sperme, mais surtout pour avoir accès au sperme de leur choix, avec la possibilité d’avoir accès au niveau d’étude du donneur, à ses caractéristiques physiques, etc. (comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis, par exemple). On se retrouvera alors dans un cas encore plus grave qu’aujourd’hui, car l’injustice sera encore plus grande puisqu’elle touchera aussi les couples hétérosexuels qui ont une pathologie de la fertilité.

 

« Nous, parlementaires, nous devons permettre à chacune et chacun de vivre sa vie de parent comme il l’entend, mais surtout de reconnaître à égalité de droit et de dignité les différentes façons de le devenir. (…) C’est la raison pour laquelle nous devons donner le choix à toutes celles qui le souhaitent et qui ne le peuvent pas aujourd’hui, de fonder une famille. Ce choix, cette liberté assumée de décider de sa maternité, nous l’avons aujourd’hui entre nos mains. Nous devons nous en saisir, et faire évoluer les droits des célibataires, hétérosexuelles ou homosexuelles. »
Alors suivons leur raisonnement… doit-on donc aller jusqu’à légaliser la pratique des mères porteuses, aujourd’hui strictement illégale en France ? Cet argumentaire ouvre en tout cas la porte à la GPA, sans qu’ils s’en soient rendus compte, sans doute.

 

« Nous sommes convaincus que cette réforme synonyme de progrès social et d’égalité est indispensable. L’égalité de droits ne nuit pas à notre société, au contraire, elle l’élève. »
Sont-ils conscients, que ce qu’ils appellent « égalité », n’est pas l’égalité ? Car l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes créera alors de nombreuses autres inégalités, inexistantes aujourd’hui. On peut penser à celles listées ci-dessus :

  • l’inégalité devant la filiation, quand un enfant qui n’aura pas accès à la moitié de sa généalogie ;
  • l’inégalité devant la maladie, quand un enfant sera incapable de savoir quelques sont ses antécédents médicaux, puisque la moitié de ses origines biologiques lui seront inaccessibles ;
  • l’inégalité d’accès aux soins, quand un couple hétérosexuel qui souffre d’une pathologie de la fertilité se verra passer devant par une femme célibataire qui veut un enfant.

Mais l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes créera une autre inégalité, évidente et que tout le monde annonce déjà : un couple d’hommes ne pourra pas « devenir parent » comme un couple de femme pourra le devenir si la PMA est légalisée pour elles. Et ils s’indigneront alors de cette inégalité !

Alors ces 49 députés oseront-ils dire, que, demain, ils seront aussi pour la légalisation de la gestation pour autrui ?
Et si non, pour quels motifs s’y opposeront-ils, puisque le droit à l’enfant semble être le seul guide de cette tribune ?

La méconnaissance de ces enjeux – qui les dépassent complètement – ridiculise leur tribune. C’est la boîte de Pandore qu’ils souhaitent ouvrir par leur argumentaire pro-PMA… et ils n’en ont absolument pas conscience !